25 ans du Festival du Monde Arabe : l'art et la culture comme réponse à des temps troubles

entrevue avec
Joseph Nakhlé
Directeur général et artistique
Entrevues Festivals

Nai Barghouti ouvrira le festival avec son concert Souffles d'olivier présenté le 25 octobre, à la salle Pierre-Mercure du centre Pierre-Péladeau de l'UQAM

publication
25 octobre 2024
mise à jour
16 janvier 2025
temps de lecture
3 minutes

Le Festival du Monde Arabe de Montréal fête cette année un quart de siècle. Cette édition marquée par la résonance des conflits actuels, s’impose comme un lieu de dialogue artistique et humain. Rencontre avec le directeur général et artistique, Joseph Nakhlé qui revient sur l’évolution du festival, son rôle de trait d'union entre l'Orient et l'Occident, et les défis qui l'accompagnent.

Un texte de Philippe Couture

Comment l'édition de cette année reflète-t-elle les pratiques artistiques actuelles du monde arabe ?

Nos créations artistiques maison, qui sont au nombre de quarante depuis la fondation du festival, ont toujours cherché à montrer que la culture arabe peut s'exprimer dans la modernité. Ainsi, dans la programmation de cette année, les productions soutenues par le Festival marient des traditions diverses, comme celle des derviches tourneurs et des chants soufis, par exemple dans la pièce Selma : Les voix de l’extase, mais aussi des spectacles qui évoquent la révolution, la liberté et l'identité, comme Sainte-Marine, opéra immersif. Le thème de cette année reflète cette volonté de continuer à proposer un dialogue artistique inspirant. 

Vous accueillez également beaucoup d'artistes internationaux. Pouvez-vous nous en citer quelques-uns de cette édition ?

« Cette année, nous avons en ouverture la chanteuse palestinienne Nai Barghouti, une artiste exceptionnelle qui utilise sa voix comme un véritable instrument musical. En clôture, nous avons la Tunisienne Nour Kamar, une étoile montante du chant classique arabe. Parmi d'autres talents, nous accueillons Abdelkader Chaou, une légende du chant andalou algérien, ainsi que Mohamed Abozekry, un prodige du oud égyptien. »

Nour Kamar
Nai Barghouti
Abdelkader Chaou
Mohamed Abozekry

Vous organisez également des débats et des tables rondes. Qu'est-ce qui vous pousse à inclure cet aspect dans le festival ?

Le salon de la culture est un volet essentiel du festival. Il permet de poser des questions brûlantes sur l'actualité mondiale, notamment sur la situation en Palestine. Cette année, nous recevons des intellectuels et des personnalités comme Louise Harel, qui parlera du déni occidental face à Gaza, ainsi que la féministe algérienne Wassyla Tamzali. Le salon crée un espace pour des discussions profondes et non superficielles, un lieu où les enjeux actuels peuvent être débattus librement.

25 ans de Festival, qu'est-ce que cela représente pour vous ?

C'est beaucoup de patience, de résilience, et un long chemin parcouru, avec des hauts et des bas. C'est une fierté d'avoir transformé une initiative, un rêve, en une réalité qui se démarque sur la scène culturelle québécoise par la qualité et l'étendue des œuvres présentées, et surtout par l'approche philosophique qui anime l'équipe et les artistes participants. Cette édition est particulière, car elle se déroule dans un contexte mondial tragique, notamment avec ce qui se passe à Gaza, en Palestine et au Liban. Beaucoup de membres de notre équipe en sont affectés, ce qui donne à cette édition une saveur très particulière, qui n'est pas nécessairement joyeuse. Mais je crois que les œuvres artistiques que nous présentons ont le pouvoir de panser les plaies et de créer le dialogue. 

Votre mission de créer des ponts entre l'Occident et le monde arabe, est-elle aujourd'hui plus difficile ?

Oui, c'est plus difficile qu'avant. Mais plus le défi est grand, plus il nous pousse à persévérer. Nous avons surmonté des moments très difficiles, comme après le 11 septembre ou lors de la crise des accommodements raisonnables en 2007. Le festival a failli s'effondrer à plusieurs reprises, mais nous avons toujours su rebondir grâce à la résilience de notre équipe. Aujourd'hui, le contexte mondial est désenchanté, et la thématique de cette année, "Méprise", remet en question nos 25 ans de rêve. Nous devons réfléchir à la manière dont le festival peut continuer à promouvoir la créativité et le dialogue.

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